SHUI HU ZHUAN

SHUI HU ZHUAN
SHUI HU ZHUAN

Le Shui hu zhuan , Récit des bords de l’eau , est l’un des chefs-d’œuvre de la littérature romanesque chinoise. Écrit au XIVe siècle, à partir de traditions orales des XIIe et XIIIe siècles, il a pour sujet les aventures de cent huit brigands dont il idéalise les motivations sans cacher leurs violences parfois atroces. Il est écrit avec un sens très sûr des effets épiques et dramatiques. Ses dialogues sont pleins de naturel et de saveur, son action est rapide, mouvementée, semée d’inattendu et de suspense .

Un western chinois en quelque sorte? Oui, mais davantage: un roman picaresque plutôt, qui, comme celui des Espagnols, examine et juge tout un univers; une fresque révolutionnaire dont les héros sont quelques audacieux en révolte contre l’oppression et l’injustice.

Mais il ne réserve pas sa sympathie aux seuls hors-la-loi. À tous les étages d’une société complexe qu’il met en scène avec une précision, un sens des nuances, un relief extraordinaires, il campe des personnages qui vivent intensément; son regard pénétrant les observe, révèle la candeur des innocents et les calculs des rusés, mais ne condamne personne. Avec une impartialité indulgente ou désabusée, il accepte bons et méchants tels qu’ils sont et nous les rend compréhensibles et proches malgré la différence des temps, des lieux et des coutumes. On ne se lasse pas de relire le Shui hu zhuan.

Origines du «Shui hu zhuan»

Il existe un grand nombre de versions du Shui hu zhuan , assez différentes les unes des autres par la longueur et le style. Aucune ne remonte au-delà du XVIe siècle, mais toutes se présentent comme des rééditions – modifiées, augmentées ou abrégées – d’un prototype commun, dont elles attribuent la composition à deux écrivains du XIVe siècle, Shi Naian et Luo Guanzhong.

On ne sait presque rien de ces deux hommes. On ignore même si le prototype perdu a été réellement écrit par eux, ou si leur rôle s’est borné à mettre la dernière main à une œuvre déjà faite ou à l’éditer. D’après certaines conjectures, ils n’auraient eu aucune part à sa composition, et leurs noms auraient seulement été empruntés par le ou les véritables auteurs désireux de rester eux-mêmes anonymes.

Avant que le Shui hu zhuan n’ait pris la forme d’un livre, la plupart des récits qui le composent semblent avoir été pendant une longue période, qui, pour les plus anciens, a pu atteindre deux cents ans, transmis oralement par les conteurs des rues et des foires, très populaires à cette époque comme dans la Chine moderne. Le roman n’a pas utilisé toutes les versions orales qui circulaient alors: certaines ont inspiré des «opéras» (zaju ) du XIIIe siècle, dont le texte en grande partie conservé met à l’actif des héros du roman des faits et gestes dont ce dernier ne dit rien.

Après le XIVe siècle, d’autres conteurs ont probablement continué à broder pour ces héros de nouvelles aventures. Le vieux conteur Wang Shaotang de Yangzhou, mort il y a quelques années, avait hérité de son père, de ses oncles et de leurs maîtres une version des Bords de l’eau qui s’était amplifiée de génération en génération: il ne lui fallait pas moins de cent quarante heures pour narrer par exemple les exploits de Wu Song que ses oncles contaient en quatre-vingts heures, leur maître en soixante, et qui dans une lecture à haute voix des versions écrites du roman n’occupent, en gros, qu’une dizaine d’heures.

Ces versions écrites ne représentent donc que la cristallisation partielle d’un cycle plus vaste de légendes transmises au fil des âges par les conteurs et les dramaturges à l’usage de ceux qui ne savent pas lire et de ceux qui aiment écouter. Depuis six cents ans, textes imprimés et traditions orales se sont considérablement influencés les uns les autres.

Sujet et composition

Les versions écrites et orales des Bords de l’eau racontent les aventures d’une bande de cent huit brigands du XIIe siècle dont le repaire, le célèbre Liangshanbo, «lac marécageux des monts Liang», se trouvait dans la partie occidentale de la province du Shandong. Ce lac, créé en 944 par un changement de cours du fleuve Jaune, a occupé pendant plus d’un siècle une aire de 400 kilomètres de circonférence. Sur ses bords couverts de roseaux et dans les collines alors boisées du voisinage purent trouver asile, à certaines époques, des réfractaires à l’ordre établi.

Le Shui hu zhuan n’est pas un récit homogène dont les parties apparaîtraient subordonnées au tout par l’effet d’une conception unique et savamment architecturée. C’est plutôt une suite d’épisodes autonomes et assez lâchement reliés entre eux par les thèmes permanents de la Bande fraternelle et de son repaire, et par la présence simultanée ou successive, mais intermittente, d’un petit nombre de personnages principaux. Ces épisodes diffèrent souvent à tel point les uns des autres par le style, par l’inspiration, ou même par le détail historique et géographique, qu’il faut tantôt y reconnaître des origines diverses, insuffisamment fondues ensemble par le ou les auteurs du roman, et tantôt des additions postérieures.

Les épisodes qui constituent les deux premiers tiers du roman ont pour sujet la naissance et la croissance de la Bande, que viennent former progressivement, en général un par un, exceptionnellement par petits groupes, cent cinq hommes et trois femmes qui presque tous ne se connaissaient pas au début. L’attention du récit se porte tour à tour sur l’histoire personnelle de chacun de ces héros. Il en explique le tempérament, les origines sociales, l’activité professionnelle. Il fait peu à peu apparaître autour d’eux toute une humanité bigarrée et comme eux bouillonnante de vie, dont ils restent des représentants typiques, même quand ils s’en sont séparés pour «prendre le maquis».

Le véritable propos du Shui hu zhuan n’est pas de décrire l’existence d’une troupe de hors-la-loi. S’il met en scène – et avec quelle abondance de détails hauts en couleur – telle razzia fructueuse, tel combat contre un bourg hostile, telle négociation avec des envoyés impériaux, c’est pour mieux exposer dans leur contexte les motifs pour lesquels tel individu décide ou refuse d’aider la Bande ou de se joindre à ses rangs; c’est pour analyser, à travers conflits et crises, l’évolution des esprits et des comportements. Ce qui passionne Shi Nai’an – s’il est bien l’auteur de ces épisodes, ou de certains d’entre eux – c’est d’étudier pourquoi et comment un homme comme vous et moi peut devenir bandit. Là est son originalité.

Mis à part quelques passages comme celui, fort long mais de la meilleure veine, qui relate l’enfance et la jeunesse du rebelle Wang Qing, le dernier tiers du roman n’a pas la valeur littéraire et l’invention des deux premiers; il paraît parfois démarquer le Roman des Trois Royaumes (San guo zhi yanyi ). La Bande y fait sa paix avec les autorités impériales et se bat, à leur service, contre les Liao, un envahisseur étranger, puis contre les rebelles Tian Hu, Wang Qing, et finalement Fang La. Ces quatre campagnes sont victorieuses mais coûtent à la Bande un grand nombre de morts. Les survivants sont décimés au cent vingtième et dernier chapitre par la traîtrise de ministres dont la rancune n’a pas désarmé.

Quelques éditions du début du XVIIe siècle, dont l’une a été reproduite de nos jours, donnent un texte complet du Shui hu zhuan , dont les cinquante derniers chapitres sont en revanche totalement absents de l’édition publiée en 1644 par Jin Shengtan, et de la plupart de celles des XVIIIe et XIXe siècles. C’est qu’aux yeux de Jin Shengtan, ces pages où l’on voit le gouvernement impérial accepter le ralliement des bandits sont un encouragement à la rébellion: il a préféré arrêter au chapitre LXX son texte après en avoir d’ailleurs considérablement amélioré le style et remplacer le reste par un seul chapitre final qui prédit aux Cent huit un sévère châtiment.

Quant aux épisodes de Tian Hu et de Wang Qing, qui font l’objet des chapitres XCI à CX de l’édition complète, ils sont inconnus d’un troisième groupe d’éditions, publiées au XVIe siècle, et qui enchaînent directement au texte du chapitre XC celui des dix derniers.

Enfin certaines éditions, dites de la recension simple, sont d’un style plus laconique, moins élégant et moins riche en détails que les autres, dites de la recension complexe. La raison de ces variantes n’est pas évidente, puisqu’on ignore encore l’histoire des éditions des Bords de l’eau au XVIe siècle. Pour les uns, la recension simple résulte de coupures faites dans la recension complexe. Pour d’autres celle-ci est au contraire un développement de celle-là.

Noyau historique et développement légendaire

Song Jiang, le chef de la Bande, a réellement existé. Un rapport officiel envoyé à la Cour au début de l’an 1121 fait état des déprédations commises par «Song Jiang et ses trente-six compagnons» et de l’impuissance d’armées gouvernementales comptant plusieurs dizaines de milliers de soldats à réduire ces trente-sept hommes et leurs troupes. Les chroniques du temps donnent quelques détails sur les brigandages de Song Jiang et des siens, sur leur reddition, et sur la part prise par eux dans la campagne de 1121 contre Fang La, qui s’était proclamé empereur dans la province du Zhejiang en 1120; leur reddition, négociée par eux avec un fonctionnaire impérial, avait précisément stipulé leur enrôlement dans cette campagne en échange d’une amnistie: manière traditionnelle en Chine de «récupérer» des hors-la-loi en les utilisant contre d’autres hors-la-loi, et qui a été pratiquée en France également, témoin Du Guesclin et ses Grandes Compagnies.

Au moment où le mystérieux Shi Naian est dit avoir composé son roman, Song Jiang et ses compagnons sont morts depuis plus de deux cents ans, mais une exubérante tradition artistique et littéraire a gardé et idéalisé leur souvenir dans l’intervalle. Des «portraits» d’eux sont peints au XIIIe siècle, accompagnés de légendes en vers conservées jusqu’à nos jours. Un conte oral énumère leurs trente-sept noms, précédés chacun d’un nom de guerre: «Tête de léopard», «Tourbillon noir», «Uppercut», «Belle Barbe», «Moine tatoué», etc.; il raconte aussi leur coup des cadeaux d’anniversaire, envoyés par le vice-roi de la Chine du Nord au Premier ministre et volés en route, à un col de montagne, par huit bandits déguisés en marchands de vin, mais qui ont mêlé à leur vin un narcotique puissant: les porteurs boivent sans méfiance et se réveillent dépouillés.

Des éléments nouveaux apparaissent dans des opéras du XIIIe siècle, où l’effectif de la Bande a passé de trente-sept à cent huit et où ses membres sont devenus en quelque sorte des bandits d’honneur. Bien sûr ils restent brutaux, pillards et incendiaires à l’occasion, mais moins que les mandarins et les gendarmes qui les pourchassent. Deux fières devises leur sont désormais attribuées, dont l’une, «Loyalisme et fraternité» (Zhong yi ), exprime un idéal de dévouement à l’empereur et d’amitié entre eux, et l’autre, «Agir à la place du Ciel» (Ti tian xing dao ), un engagement de braves pour la justice céleste et contre les autorités qui la trahissent. Au surplus, le Ciel les protège par des miracles.

Philosophie du «Shui hu zhuan»

Cette connivence avec les ennemis des lois au nom d’un idéal moral se retrouve dans le roman: il présente ces repris de justice comme les champions d’une justice plus juste ou les victimes d’un ordre social qui écrase le faible. S’ils embrassent la vie dure et dangereuse du maquis, c’est contraints et forcés par des malheurs indépendants de leur volonté, et souvent par les abus du gouvernement et des puissants.

Certains sont des meurtriers, mais leurs crimes ne sont pas crapuleux. Ils ont tué accidentellement, ou pour sauver la vie d’amis en danger de mort, ou par ces vendettas de famille que la coutume tolère mais que réprouve la loi. D’autres sont innocents, comme l’officier modèle Lin Chong, dont la femme est convoitée par le fils d’un ministre: pour cette seule raison, le mari sera attiré dans un piège, condamné aux travaux forcés, et par deux fois il échappe de peu aux tueurs à gages du ministre chargés de le «liquider». De même les frères Xue, chasseurs de leur métier, qu’un châtelain fait bâtonner et mettre en prison parce qu’il s’est approprié leur gibier et qu’ils protestent. Une fois pris dans l’engrenage de la répression et de l’évasion aidée par la Bande, quel choix reste-t-il aux uns et aux autres, sinon de prendre la route des monts Liang? Les juges et les préfets qui les persécutent sont cruels, vénaux et prévaricateurs, toujours prêts à acquitter le coupable et à livrer l’innocent au bourreau moyennant finances. Les proches collaborateurs de l’empereur sacrifient les intérêts du pays à leur ambition et à leur avarice. La Bande leur reproche de tromper leur maître, qu’elle ne conteste pas lui-même et auquel elle affirme son constant loyalisme. Mais au-delà de ce respect superficiel pour l’institution impériale, le roman décrit le souverain – c’est Song Huizong, l’un des plus célèbres peintres chinois – comme faible, crédule et frivole.

Le Shui hu zhuan est donc un roman de contestation politique et de critique sociale, une apologie de la subversion; il n’est pas étonnant dès lors qu’il ait été mis à l’index par le gouvernement dès le XVIIe siècle, et que les révolutionnaires de diverses époques l’aient pris comme livre de chevet.

Lorsque Mao Zedong, établi dans les montagnes du Jiangxi puis à Yan’an avec les «rebelles» qui se rassemblaient autour de lui, défiait l’administration et les armées de Tchiang Kai-chek, ne revivait-il pas en quelque sorte l’aventure de Song Jiang? Le Shui hu zhuan , dont ses compagnons tiraient sur ses conseils maintes pièces de théâtre politiques, était à ses yeux un moyen efficace d’amener les masses à prendre mieux conscience des combats à livrer, des vices et des points faibles du système à abattre; pour lui, la révolte des bandits d’honneur des monts Liang préfigure et inspire la lutte révolutionnaire des maoïstes contre l’impérialisme, le féodalisme et leurs alliés.

Mais le souci essentiel du Shui hu zhuan n’est pas politique. On n’y trouve pas de ces divisions sommaires de l’humanité en bons et en méchants qui facilitent l’action. Il ne prend pas parti pour les bandits au point d’ignorer leurs faiblesses, ni contre leurs ennemis au point de leur montrer de la haine. À côté des oppresseurs, il met en scène tel riche notable qui protège les gens en marge de la société, à l’instar des chefs de sociétés secrètes dans la Chine d’hier et d’avant-hier. Certains scribes de tribunal et geôliers aident les hors-la-loi et prennent de grands risques pour leur sauver la vie. Quant aux mandarins eux-mêmes, qui ne montrent aucun sentiment humain, et sont donc pires que les bandits, le roman semble trouver leurs faits et gestes tout naturels, et les décrit sans passion, avec une objectivité quasi zoologique.

Enfin il donne à ses héros des traits cruels qui nous empêchent de les aimer tout à fait. Ils sont prompts à s’irriter, vite brutaux, peu capables de contrôler leurs émotions, ou au contraire rusés et dissimulateurs à l’extrême. Certains d’entre eux commettent des crimes inexpiables dans le seul but de grossir la Bande d’une recrue récalcitrante. Car tous les Cent huit n’y ont pas demandé leur admission pour échapper à la justice: un bon nombre y ont été obligés bien malgré eux par l’un de leurs futurs frères, alors qu’ils menaient dans le monde «légal» une existence tranquille et honorable. Li Kui tue de sang-froid un bambin de quatre ans pour amener Zhu Tong aux monts Liang; Zhang Shun égorge quatre personnes qui empêchaient le médecin An Daoquan de s’y rendre, puis l’accuse du crime pour couper les ponts derrière lui. Quelle fin justifie ces moyens?

Et quel triste destin aussi, pour des rebelles au service d’une juste cause, que d’aboutir volontairement, par souci de fidélité à l’empereur, à massacrer d’autres rebelles comme Wang Qing dont la cause est analogue et dont la carrière même ressemble à la leur!

Par tous ces traits, le Shui hu zhuan manifeste un pessimisme qui est rare dans la pensée chinoise traditionnelle et qu’il convient peut-être d’attribuer au taoïsme et au bouddhisme. Ce roman ne croit pas l’homme naturellement bon, mais toujours tenté par une sauvagerie innée que rites et usages ne recouvrent que d’un vernis superficiel. Contre les codes, il défend les lois non écrites qu’Antigone invoquait et que crie la conscience; mais il désespère de les voir jamais triompher dans un monde trop mal fait. Certes ses héros ont rarement conscience de l’échec auquel ils sont tous voués. Ils savent jouir sans arrière-pensées de leurs simples plaisirs: boire jusqu’à l’ivresse, échanger des horions les ravit. Dans leur entraînement quotidien à la lutte et à l’escrime, ces bons vivants éprouvent le bonheur viscéral de se trouver «en forme» et maîtres orgueilleux de muscles qui jouent sans entraves. Ils goûtent la joie insouciante des voyages en service commandé où «l’on s’arrête pour manger quand on a faim et pour dormir quand on a sommeil», puisqu’on ne retrouvera ses chefs et ses responsabilités ordinaires qu’après des jours ou des semaines de route. Le sentiment qui surtout les soutient dans leurs épreuves, c’est leur amitié réciproque, ce compagnonnage d’armes où chacun se dévoue pour tous et tous pour chacun, avec une abnégation sans phrases et une confiance totale. Leur fraternité leur inspire le sentiment exaltant d’une fusion de leur personnalité dans cette unité organique qu’est la Bande, et dont ils tirent une force inaccessible au découragement.

Aucune douceur féminine, en revanche, ne panse leurs plaies. L’univers du Shui hu zhuan semble presque exclusivement fait d’hommes. Les rares femmes qui y apparaissent sont des servantes, trois «amazones» aux manières fort masculines, une chanteuse arrogante, une aristocrate ingrate et perfide, deux tentatrices impudiques... Ce roman d’aventures et de désespoir n’a guère de place pour la tendresse.

Expression littéraire

Les ressources techniques et artistiques du Shui hu zhuan sont immenses. Le récit débute sans prétention et s’attache tour à tour à chacun des héros; il les réunit et les sépare au fil des tournants de l’action, abandonne ici l’un pour suivre l’autre et plus loin retrouver le premier, lui faire raconter avec naturel ce qui lui est arrivé entre-temps, éclairer chaque fois qu’il est nécessaire les antécédents de l’un ou de l’autre par des retours en arrière. C’est peu à peu, de conflit en conflit, par la démarche même de la vie, que les tempéraments individuels se révèlent au lecteur, qui de proche en proche fait connaissance avec toute une «comédie humaine à cent actes divers».

La variété des situations où évoluent ces héros, avant de ce joindre à la Bande et ensuite, montre chez les auteurs une connaissance précise de toutes les couches de la société de leur temps: la psychologie, le langage, les manières de tous les degrés de l’échelle sociale leur sont familiers. Ils démontent les causes et le déroulement des moindres événements de manière à leur donner une vraisemblance sans faille. Les dialogues sont d’une justesse étonnante, sans jamais rien de forcé ou d’artificiel. Chaque personnage parle, s’énerve ou rit comme il le ferait dans la réalité, mais avec perfection. Quand le roman raconte ou décrit, il choisit les seuls détails qui importent pour éclairer les caractères et les situations; il manifeste alors une minutie extrême. Il est capable aussi de la plus grande sobriété, et d’une prestesse qui brûle toutes les étapes inutiles. Avec un sens très sûr de la péripétie et du suspense , il prépare soigneusement les effets les plus surprenants, et parvient d’autant mieux à émerveiller son lecteur que l’événement, longuement prévu et craint, finit par se produire au moment où une diversion ménagée à l’improviste fait qu’on ne l’attendait plus.

Cette technique a été léguée aux romans chinois par leurs devanciers les récits oraux, après avoir été mise au point pour ceux-ci au long d’une évolution de plusieurs siècles dont nous saisissons les premières étapes grâce aux manuscrits de Dunhuang (Touenhouang). Le petit auditoire qui entoure un conteur ne laisse passer rien de faux, d’invraisemblable ou d’ennuyeux. C’est de cette rude école que le Shui hu zhuan a tiré le meilleur de sa valeur littéraire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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